La notion de prétexte est la grande force du Diable au corps : le ton froid et analytique du récit, même si sans aucun doute il correspond à merveille au caractère du héros adolescent, tient sans cesse le lecteur sur ses gardes. Calculateur jusque dans ses amours avec Marthe, une jeune femme de trois ans son aînée, mariée bourgeoisement et devenue sa maîtresse de manière un peu moins romanesque qu'il voudrait le croire, le jeune héros affiche cette morgue superbe qu'ont les enfants précoces. Supérieurement intelligent, doué pour les études, le jeune garçon nous fait le récit, d'un ton en apparence détaché, de l'ennui profond qu'il a éprouvé durant la Première Guerre mondiale et qui l'a conduit à se lancer corps et âme dans son aventure amoureuse. Car son amour pour Marthe s'amplifie, malgré son jeune âge et en dépit du scandale, au point de l'envahir entièrement. Indépendamment de toute morale, ce diable qui lui envahit le corps, source de tracas puis de souffrance, c'est l'élément étranger qui parvient à pénétrer en lui malgré l'assurance et la force manipulatrice d'un ego surdimensionné. En conduisant son héros de l'enfance à la paternité, Radiguet lui fait traverser l'expérience de toute une vie, faisant de la guerre une période entre parenthèses, une étape dans la maturation du corps et de l'esprit. --Sana Tang-Léopold Wauters